
Novembre 1943. Après des mois à se terrer à Paris, dans une chambre de bonne, le célèbre dramaturge juif Victor Steiner est arrêté et déporté. Étant donné sa notoriété, on lui a promis «un traitement spécial»: on l'envoie en Tchécoslovaquie, à Terezín, un camp qui ressemble à une petite ville. À première vue. Car il y règne tout autant de violence que dans les autres camps nazis. Mais Steiner a la surprise de s'y décou- vrir un fan: un o cier SS qui lui commande une pièce. Elle devra être jouée lors d'une visite de contrôle de la Croix-Rouge internationale, dans le grand théâtre de Prague. Écrire pour les nazis? Steiner s'y refuse. Mais il n'a pas le choix, et la Résistance interne au camp fi nit de le décider: ce spectacle pourrait être l'occasion de faire évader des prisonniers...
Entre les années 970, où elle se constitue marquisat, et 1482, date de l'annexion à la France, la Provence s'affirme comme une principauté territoriale à part entière, à l'identité fortement marquée. Des hommes et des femmes, traversent cette histoire : l'abbé Isarn de Saint-Victor, porte-parole de la Paix de Dieu, le brigand Raimond de Turenne, chef des grandes compagnies, le roi René, généreux mécène, mais aussi Teucinda, fondatrice de Montmajour, la comtesse Béatrice, héritière convoitée par de nombreux prétendants, ou la reine Jeanne soumise à une double légende dorée et noire... Ces personnages apparaissent comme les types de groupes sociaux en pleine transformation : comtes chaque jour plus puissants, guerriers à leur service féodal ou en révolte ouverte contre eux, seigneurs affirmant l'indépendance de leurs châtellenies, marchands citadins traitant avec l'Orient, paysans asservis luttant pour leurs libertés ou ordres monastiques nombreux et divers. Connaître en profondeur et expliquer cette société est le but du présent ouvrage, qui intègre les progrès remarquables accomplis récemment par la recherche historique sur la Provence...
Les archives ont permis de prendre une mesure globale des pèlerins dont les foules confluaient à Rome. Mais il est exceptionnel de pouvoir saisir l’expérience intime qu’a été, pour celui qui l’entreprenait, l’épreuve au jour le jour du long voyage vers la Ville éternelle. Les Mémoires de Gilles Caillotin, artisan sergier à Reims dans la première moitié du XVIIIe siècle, nous livrent la chronique quotidienne de son retour de Rome : parti le 1er septembre 1724, il rentre dans sa ville natale le 17 octobre après une marche de plus de 1600 kilomètres. Le narrateur décrit les « curiosités » des villes traversées, compare la qualité de l’accueil reçu dans les hospices, évoque ses rencontres avec d’autres marcheurs, tantôt bons compagnons, tantôt francs filous. Les émotions ressenties, les souffrances endurées remontent à sa mémoire. Par la précision de son récit, tout un univers surgit, placé sous le signe de l‘éphémère : le pèlerin ne fait que passer.
Quelle sera l’atmosphère créée par Rodó critique, par Rodó, esprit sage et savant ? O curieuses contradictions de l’art ! Pour cet érudit paisible qui n’a jamais quitté encore sa ville natale, ce sera celle du marin s’embarquant sur les vastes nefs des poètes du monde entier. Lui-même l’écrira : « Parmi les rares vertus de mon esprit il en est une, cardinale du point de vue littéraire, que je crois posséder : l’éclectisme. Je suis un séide docile, qui accompagne les poètes dans leurs pérégrinations, partout où nous entraîne la spontanéité de leur caprice ; mon tempérament de Simbad littéraire est un grand amateur de sensations. Je recherche volontairement toutes les occasions de faire des exercices de souplesse ; il me plaît de diriger, par exemple, la nef horacienne qui conduit Virgile à Athènes, avant de m’embarquer sur le vaisseau de Saint-Pol Roux ou sur le yacht étrange de Mallarmé... »
La guerre fait couler le sang et le droit de la guerre fait couler de l’encre. Cette discipline n’est pas un sujet neuf et pourtant son étude suscite toujours de la frustration et un sentiment permanent d’inachèvement. Certes, toute science juridique est constamment en voie de perfection mais la Guerre demeure un sujet hors norme du droit. Par l’incapacité des hommes et des nations à la maîtriser, par sa monstruosité intrinsèque, elle représente une sorte de mal moral absolu et une menace toujours planante sur la survie de l’Humanité. Elle en serait sa mort et en même temps paradoxalement, sa fin. Fin idéale de l’Histoire par la Paix, fin apocalyptique de l’Histoire par la guerre totale et le feu nucléaire. Le genre humain reste toujours suspendue à elle. Le droit de la guerre en ce début de 3ème millénaire se trouve encore à l’état de droit coutumier et conventionnel, au même stade finalement que le droit public interne des sociétés antiques et tribales.
Durant tout l'Ancien Régime, Guingamp demeure une petite ville, à la limite du gros bourg. Centre d'approvisionnement et de redistribution en produits et denrées de première nécessité pour la campagne alentour, la cité ne connaît pas l'essor que sa situation géographique, ses activités économiques et même ses institutions au sein de l'ensemble breton devraient pourtant légitimement lui garantir : peuplée de 5 à 4 000 habitants à la fin du 15e- début 16e siècle, Guingamp n'en dénombre guère davantage à la veille de la Révolution. Sans doute les structures démographiques de la cité sont-elles à mettre en cause : tout au long de la période, les populations guingampaises éprouvent de grandes difficultés à assurer le renouvellement des générations, notamment en raison d'une forte mortalité infantile et juvénile ainsi que d'un âge moyen au mariage relativement tardif chez les femmes. À la vérité, elle n'y parvient que grâce à l'apport migratoire : fin 16e - début 17e siècle par exemple, plusieurs familles nomades s'installent en ville. Cependant, au-delà de ces faiblesses proprement structurelles, somme toute caractéristiques du milieu urbain...
Parmi les questions auxquelles l’histoire de la Révolution française n’a pas donné de réponses définitives, la définition « du » politique demeure toujours irrésolue. Cette indécision est d’autant plus grande que l’historiographie actuelle ne s’intéresse plus seulement aux « grands » hommes mais qu’elle prend en compte les multiples interventions dans le « domaine politique ». Entrent en ligne de compte toutes les actions symboliques et culturelles qui donnent du sens à la période. Au premier plan des interrogations se trouvent alors les représentations que les hommes et les femmes de la fin du xviiie et du début du xixe siècles ont mobilisées pour peser sur le destin collectif. L’objet du livre est l’étude de la confrontation de ces représentations mentales, linguistiques, iconographiques et rituelles et du pouvoir, exercé, contesté, imaginé pour bâtir « le » politique. L’ouvrage rassemble les communications présentées lors d’un colloque international tenu à Paris en juin 2004, réunissant des spécialistes français, américains et allemands. Tout l’éventail des médias, des pratiques et des espaces de « la politique...
À l’heure où l’on commémore avec faste les 275 ans de la franc-maçonnerie en France, ce livre est né d’un constat inquiétant et d’un espoir. Longtemps pionnière dans l’observation des formes de sociabilité, l’histoire de la franc-maçonnerie peine aujourd’hui à trouver un second souffle. Elle est même menacée de marginalisation universitaire et scientifique. Paradoxalement, la situation n’a sans doute jamais été aussi propice à une relance de la recherche : l’ouverture des fonds maçonniques des « archives du KGB », la multiplication des initiatives en Europe et l’intérêt affiché des obédiences maçonniques pour leur patrimoine et leur histoire sont autant d’opportunités à saisir sans délai. À partir d’un état des lieux critique de la recherche, L’Espace des francs-maçons explore dossiers en mains les chantiers les plus prometteurs, de Paris à Saint-Pétersbourg, en passant par Berlin et Dresde. Il prend ainsi résolument le parti d’une histoire européenne de la sociabilité maçonnique, la seule possible pour appréhender un phénomène qui en quelques décennies s’étend de l’Atlantique à l’Oural. Une histoire...
René-Pierre Nepveu est un chanoine bien ordinaire d’une ville de province, elle aussi représentative, durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. À l’âge de 26 ans, il naît à la fois à la vie capitulaire et à l’écriture : intronisé chanoine de la cathédrale du Mans, il entreprend un journal qui ne s’arrêtera qu’à l’extrême fin de sa vie. Héros obscur par excellence, il y parle peu de lui-même mais note ce qu’il observe et entend : cérémonies, mondanités, exécutions publiques, rumeurs ou ragots, la vie qui va dans son chapitre, sa ville et sa province... Du cœur du Mans à sa « campagne » de la Manouillère, on rencontre sous sa plume évêques, dignes confrères et vénérables curés, aussi bien que les élites locales, belles dames d’esprit, magistrats en robes rouges ou négociants enrichis. Quand la Révolution vient dérégler sa vie douillette, le journal passe de l’ironie à la peur et dit les bouleversements survenus, les émotions du « mauvais peuple », les cachettes, la prison.Puis viennent l’apaisement et la réconciliation, en même temps que la vieillesse. Véritable chronique urbaine et ecclésiale, ces pages fourmillent...
« Le seul moyen de savoir ce qui s'est passé dans le restaurant situé au 107ème étage de la Tour Nord du World Trade Center, le 11 septembre 2001, entre 8 h 30 et 10 h 29, c'est de l'inventer. »
Les études réunies sous le titre La beauté et ses monstres sont nées d'un constat de rupture entre l'idéal platonicien qui posait l'alliance étroite du Beau et du Bien et les pratiques esthétiques des XVIe, XVIIe siècles. La poétique baroque, expression d'une crise de la pensée analogique et de l'idéalisme platonicien, procède en effet d'une reconnaissance implicite de la dangereuse contiguïté entre le beau et le monstrueux et trouve son originalité créatrice dans la mise en mouvement de formes « dépravées », dans l'invention de formes qui contreviennent aux lois de la « proportion ». Métamorphoses et anamorphoses jouent de cette virtualité du monstmeux latent en toute forme parfaite qu'un rien peut déformer, déjouant toute tentative de figier des rhétoriques littéraires ou d'immobiliser des genres dans une codification rigoureuse. De même, par l'attraction qu'elle exerce, tant physique que métaphysique, la beauté a suscité la défiance devant l'envers toujours possible de cet attrait, la séduction par une beauté frelatée ou trompeuse. L'étrange et fascinante intimité entre la beauté et ses monstres fonde de la cohérence d'une dynamique de...
Ce soir, Nine devait aller à la fête de son lycée. Mais Titania, sa mère, en décide autrement. Elle embarque Nine vers une destination inconnue, loin, jusqu'à une cabane isolée au bord d’un lac. Il est temps pour elle de raconter à sa fille un passé qu’elle lui a soigneusement caché jusqu'à maintenant. Commence alors une nuit entière de révélations. Flash-back, souvenirs souvent drôles, parfois tragiques, récits en eaux troubles, personnages flamboyants... Nine découvre un incroyable roman familial. Et quand l’aube se lèvera sur le lac, plus rien ne sera comme avant. Lauréat du Prix Vendredi pour la Jeunesse 2017.
Le débat autour de la famille connaît une particulière acuité, depuis vingt ans, au sein de notre société. Le développement du concubinage, l'accroissement des divorces, l'évolution du statut de l'enfant, nous conduisent à nous interroger sur les principes régissant la filiation, l'adoption, les relations dans le couple, ou la famille naturelle. Or, la Révolution française s'est trouvée confrontée à ces questions. Car les enfants font partie de la légende et du quotidien révolutionnaires. Du tambour Bar,a aux écoliers de 1792, ils sont omniprésents, dans les fêtes, sur les champs de bataille, dans les conflits juridiques ou politiques. Quel est le nouveau statut de l'enfance et de la famille qui s'esquisse ? Les souvenirs de l'Ancien Régime sont-ils si lointains ? Quel héritage avons-nous recueilli au long de ces deux siècles ? La célébration du Bicentenaire de la Révolution offre l'occasion aux meilleurs historiens, juristes, philosophes et sociologues, de découvrir un pan resté encore inconnu de notre histoire.
Face au retour de Napoléon échappé de l'île d'Elbe et débarqué à Golfe-Juan le 1er mars 1815, quels furent les états d'âme d'un préfet ou d'un général, d'un maire ou d'un officier de gendarmerie placés devant leurs responsabilités et ne disposant que d'informations fragmentaires et tardives, souvent déformées par la rumeur et la propagande? Pour eux, où est le droit? Où est l'honneur à défaut du droit? Plus prosaïquement, en cas de mauvais choix, ne faut-il pas prévoir la mort, la prison ou l'exil? Rester neutre? Difficile. Gagner du temps pour se rallier ensuite au vainqueur? Solution sage sinon honorable, mais dans de nombreux cas impossible. Il faut se décider dans la minute. Ce livre évoque ceux qui furent placés par leur conscience devant le devoir d'obéissance, le respect d'un serment, l'intérêt du pays... ou leur propre intérêt. La crise dura vingt jours. Vingt jours dont les conséquences pèsent encore sur nous. Membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques), professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne, Jean Tulard a publié plusieurs dizaines d'ouvrages sur la Révolution et l'Empire, dont Napoléon, Murat, Fouché, ...