
Pierre Daix : un nom qui a symbolisé, pour plusieurs générations, l’intellectuel communiste. Et, au temps de la guerre froide, l’intellectuel stalinien. Contre David Rousset ne défendait-il pas, aux Lettres Françaises, la thèse selon laquelle le Goulag n’existait pas ? Mais, en 1963, c’est lui qui préface l’édition française d’« Une journée d’Ivan Denissovitch », et c’est le bannissement de Soljenitsyne qui le conduit à quitter le Parti communiste en 1974. Cette trajectoire qui paraît ressembler à quelques autres est, en fait, exceptionnelle. Car Daix, résistant en 1940, déporté à Mauthausen, secrétaire de Charles Tillon, ministre de l’Armement de De Gaulle en 1945, rédacteur en chef des Lettres Françaises, a connu bien des centres de décision du Parti. Intime de Picasso, second d’Aragon durant un quart de siècle, protégé par Maurice Thorez, aujourd’hui gendre d’Artur London, acteur et témoin Pierre Daix a mesuré les silences qui dénaturent l’histoire du Parti. Aussi ressuscite-t-il dans son récit de nombreux militants que les zigzags de la politique ont jetés dans les oubliettes et dont certains ont tenu des rôles de...
Il faut examiner le débat autour du stoïcisme de Montaigne. Les critiques qui ont vu le jour présentent un Montaigne qui s'intéresse à la philosophie, un humaniste qui essaie de survivre en des temps troublés et d'exercer son esprit pour s'affranchir des contraintes morales et sociales. Pourtant, si l'on regarde de plus près la construction et la genèse des Essais, on s'aperçoit que Montaigne continue d'étudier patiemment les textes anciens, et particulièrement les textes stroïciens, jusqu'à la fin de sa vie. Il affirme que sa recherche est l'homme. Et, tout au long de cette recherche, se développe un dialogue entre Montaigne et lui-même, dans la mesure où son projet explicite est de se connaître. Cette position elle-même ne saurait se comprendre que dans un éclairage stoïcien : cette position du moi - Montaigne - qui débat avec l'homme - Montaigne pris dans l'Univers -, c'est celle où l'homme est Montaigne lui-même dans son rapport au cosmos, où cet « empire dans un empire » trop souvent rebattu se trouve dans la recherche de Montaigne étendu aux dimensions de l'univers. C'est cette persistance du stoïcisme, notamment de la rhétorique stoïcienne, qui ...
S'il est un écrivain dont la célébrité a grandement desservi la connaissance de l'oeuvre, c'est bien Paul Valéry. Passage obligé des écoliers, de ce poète malgré lui, qu'une lucidité féroce portait à renoncer aux fétiches de la littérature, nous avons tous lu au moins quelques vers. Mais qui connaît le produit de son « vice » matutinal, cet entretien infini avec lui-même qu'il poursuivit cinquante années durant, griffonnant chaque jour ses réflexions, à l'heure où d'autres célèbrent l'office de matines ? Cette « contre-oeuvre » - 26 600 pages réparties dans 261 cahiers -, rétive à toute unité falsifiée, s'offre aujourd'hui à nous comme ressource infinie de pistes et interrogations sur une infinité de thèmes. Compte rendu obstiné de l'enlisement que constituent nos idoles innombrables, raison, histoire, identité, langage, etc., l'anthropologie qui s'y livre - par nature insolite et incodifiable - appelle le contrepoison d'une présence à soi non tronquée, invite à l'échappée hors nos aliénations consenties, convoque des résonances aptes à secouer « l'appareil énergétique de la vie ». Paru dans sa totalité pour la première fois chez...
André Comte-Sponville livre ici vingt-six études d’histoire de la philosophie, portant principalement sur les traditions tragique et matérialiste, depuis l’Ecclésiaste jusqu’à Marcel Conche, en passant par Montaigne, Pascal, La Rochefoucauld, Spinoza, La Mettrie, Jean-Marie Guyau, Nietzsche et Alain. La préface propose une longue analyse de la notion de tragique. L’auteur y prend au sérieux ce que la littérature et la vie nous apprennent : que le tragique a à voir avec le malheur, mais réel plutôt que possible (par différence avec le « suspense ») et nécessaire plutôt que contingent (par différence avec le drame). Loin d’être l’affirmation joyeuse de tout, comme le voulait Nietzsche, le tragique est plutôt la prise en compte inconsolée de ce qu’il y a de catastrophique dans la condition humaine : la mort, la solitude, l’insatisfaction – trois formes de la finitude, qui ne sont tragiques que par la conscience, en l’homme, d’un infini au moins pensable. La conclusion, elle aussi fort développée, montre que le matérialisme, s’il est rigoureux, se doit d’être une pensée tragique, c’est-à-dire aporétique, déceptive, inconsolée....
« Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement », écrit La Rochefoucauld. Cela fait au moins une différence avec le sexe : le regarder fixement, voilà ce que peu d'hommes et de femmes, de nos jours, s'interdisent ou redoutent. Pourquoi, s'agissant de sexualité, est-ce pourtant cette formule qui m'est venue, jusqu'à me fournir, ou peu s'en faut, mon titre ? Peut-être parce que l'essentiel, ici aussi, échappe au regard, ou l'aveugle, tout en continuant de le fasciner. Le sexe est un soleil ; l'amour, qui en vient, s'y réchauffe ou s'y consume. Les mortels, disaient les Anciens pour distinguer les hommes des animaux et des dieux. Nous pourrions, tout autant, nous nommer les amants : non parce que nous serions les seuls à avoir des rapports sexuels, ni à aimer, mais parce que le sexe et l'amour, pour nous, sont des problèmes, qu'il faut affronter ou surmonter, sans les confondre ni les réduire l'un à l'autre. Cela définit au moins une partie de notre humanité : l'homme est un animal érotique. » André. Comte-Sponville.
Ce recueil d'etudes porte sur le roman de l'Ancien Regime, et en particulier sur la place qu'y occuperent les femmes en tant que personnages romanesques aussi bien qu'a titre d'auteurs: comment presente-t-on les personnages feminins? Les romancieres mettent-elles en oeuvre des procedes particuliers sur ce point? Ces questions sont analysees dans le cadre d'une approche comparative, ou l'eventuelle specificite de 'l'ecriture feminine' est etudiee en lien etroit avec l'ecriture 'masculine'. La comparaison est facilitee par l'application des methodes de la SATOR (Societe d'Analyse de la Topique Romanesque). Les topoi narratifs selectionnes concernent - directement ou indirectement - la confrontation entre le masculin et le feminin. Confrontation evidemment omnipresente a tous les niveaux: a celui du recit, mais en particulier aussi a celui de l'intervention dans le champ litteraire. L'emploi de certains topoi peut etre vu comme un geste lourd de sens lorsqu'il vient de la part de romanciers femmes. En effet, comme il leur etait pratiquement impossible de s'exprimer dans des genres discursifs, ces topoi pourraient etre consideres comme des arguments dans un debat vehicule par le texte ...
La spectaculaire prolongation de l'espérance de vie a pour terrible conséquence le surgissement d'une nouvelle catégorie de reclus, d'enfermés, de " laissés-pour-compte " : les très grands vieillards, le plus souvent malades mentaux et infirmes incontinents. S'appuyant sur sa propre expérience douloureuse - la vieillesse de ses parents -, Pierre Leschemelle s'attache à montrer la cruauté de ces années de trop, vécues comme un calvaire à la fois par l'entourage et par ces hommes et femmes déchus par la sénilité et sombrant dans le naufrage de la mémoire, de l'intelligence, de l'identité. Décrivant en termes réalistes et éprouvants cette perte d'humanité, l'auteur demande la reconnaissance médicale du droit à une mort douce et digne. Il ne s'agit pas de faire fi du serment d'Hippocrate, mais d'apporter à ces êtres devenus végétatifs le soulagement d'une fin sereine.
Tableau des moeurs et des occupations quotidiennes de la foule carcérale, où se côtoyent prêtres et sans-culottes, princesses et boutiquières, militaires et philosophes, pendant la Terreur.
Une biographie de cet inventeur de la liberté et de l'introspection : ses actions pour le salut du royaume déchiré, pour la paix, la tolérance et le bien public, ses rencontres avec quelques grands (Catherine de Médicis, Henri de Navarre, la reine Margot ...).
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