Pastiches et mélanges
Auteure: Marcel Proust
Nombre de pages: 138
Dans un des derniers mois de l'année 1907, à un de ces routs de la marquise d'Espard où se pressait alors l'élite de l'aristocratie parisienne (la plus élégante de l'Europe, au dire de M. de Talleyrand, ce Roger Bacon de la nature sociale, qui fut évêque et prince de Bénévent), de Marsay et Rastignac, le comte Félix de Vandenesse, les ducs de Rhétoré et de Grandlieu, le comte Adam Laginski, Me Octave de Camps, lord Dudley, faisaient cercle autour de Mme la princesse de Cadignan, sans exciter pourtant la jalousie de la marquise. N'est-ce pas en effet une des grandeurs de la maîtresse de maison-cette carmélite de la réussite mondaine-qu'elle doit immoler sa coquetterie, son orgueil, son amour même, à la nécessité de se faire un salon dont ses rivales seront parfois le plus piquant ornement? N'est-elle pas en cela l'égale de la sainte? Ne mérite-t-elle pas sa part, si chèrement acquise, du paradis social? La marquise-une demoiselle de Blamont-Chauvry, alliée des Navarreins, des Lenoncourt, des Chaulieu-tendait à chaque nouvel arrivant cette main que Desplein, le plus grand savant de notre époque, sans en excepter Claude Bernard, et qui avait été élève de ...