Au lieu de soi
Auteure: Jean-Luc Marion
Saint Augustin ne parle pas la langue « grecque », ni celle des philosophes, ni même celle des Pères de l’Église. Il ignore la moderne distinction entre théologie et philosophie, n’entendant en cette dernière que l’amour de la sagesse, donc de Dieu et du Christ. Il n’appartient pas à la métaphysique, du moins prise en son sens littéral et historique, le seul digne de discussion. Et c’est pourquoi sa pensée reste toujours controversée et paraît incertaine, d’autant plus que progresse l’érudition et les interprétations — parce qu’on lui a imposé, consciemment ou non, des lectures métaphysiques qui lui faisaient violence, ou parce qu’au contraire son étrangeté résistait à la métaphysique. Il se pourrait donc qu’aujourd’hui il nous précède, nous qui sortons à peine de la métaphysique, lui qui n’y est sans doute jamais entré. Il faut donc le lire à partir de ses propres critères et intentions : en l’occurrence à partir de ce qu’il nomme la confessio — parler une parole non pas produite, mais reçue et, une fois écoutée, rendue, afin de ne pas tant parler de Dieu, que parler à Dieu, soit dans l’aveu des fautes, soit...