
Un passé contraignant
Auteure: Michèle Bacholle
Nombre de pages: 183Etude sur Annie Ernaux, Farida Belghoul et la Neuchâteloise Agota Kristof.
Etude sur Annie Ernaux, Farida Belghoul et la Neuchâteloise Agota Kristof.
Présente 150 auteurs et les grands courants littéraires européens. Spécial bac français.
Les récits de survivances mettent en scène des sujets aux prises avec des situations de crise individuelles ou sociétales, et à la perte de repères identitaires. Ils sont pris en charge par un ou des récitants au sein des discours oraux, écrits ou visuels faisant état de stratégies particulières de survie. Ils abordent des thèmes comme l'exclusion sociale, l'exil, les déportations, les guerres, les camps de concentrations, les génocides. Ils témoignent d'une expérience de déstabilisation souvent difficilement surmontable et pouvant aller jusqu'à la mort psychosociale de l'individu. Les chercheurs du Groupe de recherche sur les récits de survivance (GRERÉS) s'inscrivent dans une démarche interdisciplinaire; ils tentent de mettre au jour les mécanismes d'adaptation qui permettent d'assumer le poids accablant d'un passé contraignant. Pour l'étude de ce paradigme, certains paramètres apparaissent significatifs, tels le temps, la mémoire et la filiation.
La Trilogie des jumeaux d’Agota Kristof raconte l’histoire des frères Claus et Lucas qui font l’apprentissage de la survie et de l’endurcissement dans un pays ravagé par la guerre. Depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte, ce parcours en trois volets (Le Grand Cahier, La Preuve, Le troisième mensonge) est marqué par la séparation, la division de l’Europe à l’époque du rideau de fer, l’identité incertaine, la mélancolie et la maladie de l’écriture. Le succès des trois romans de l’écrivaine d’origine hongroise exilée en Suisse est dû à cette écriture blanche si particulière, dépourvue de tout pathétique. Une oeuvre qui interroge fortement le pouvoir de la fiction et notre responsabilité face à la mémoire du passé.
Aujourd'hui recommence la course imbécile. Se lever à cinq heures, prendre le bus, pointer... Pour que demain soit différent, il faudrait qu'apparaisse enfin Line, la femme idéale dont rêve Sandor Lester depuis qu'il a quitté son pays natal. Alors, il y aurait un avenir possible dans lequel Sandor deviendrait écrivain sous le nom de Tobias Horvath. Mais ce jour-là, ce n'est pas l'avenir qui monte dans le bus. C'est Line, la vraie Line, surgie du passé...Avec la simplicité et la précision qu'on lui connaît, Agota Kristof raconte «l'histoire d'un grand amour impossible» et se livre à une réflexion aiguë sur le passage du temps et les injustices du monde contemporain.
Traite, entre autres, d'Agota Kristof, notamment aux p. 193-210, 219-221.
Au-delà de la fable, on se livre ici à l'exploration impitoyable d'une mémoire si longtemps divisée, à l'image de l'Europe. A travers le destin séparé de Lucas et de Claus, les jumeaux du Grand Cahier, Agota Kristof nous révèle que, dans l'univers totalitaire, générosité et solidarité sont parfois plus meurtrières que le crime.
Un homme est changé en statue au moment où il embrasse son chien pour la dernière fois. Une femme explique au docteur qu'elle ne comprend pas comment son mari a pu se fendre le crâne sur une hache en tombant de son lit. Un enfant, accompagné d'un puma " splendide, beige et doré ", marche au bord d'un canal où il croisera son père pour un rendez-vous décisif. Ce père qui, dans la toute dernière histoire, la plus autobiographique certainement, " ne s'est jamais promené main dans la main avec sa fille " et termine ses jours " dans une horrible ville industrielle, qu'il n'avait jamais aimée ". Vingt-cinq textes baignant dans une atmosphère étrange et émouvante, qui ont été composés au fil des années, dès le début de l'exil d'Agota Kristof hors de Hongrie, en 1956. Peut-être la part la plus secrète de son oeuvre.
Après les trois romans de sa trilogie, Le Grand Cahier, La Preuve, Le Troisième mensonge, son dernier roman Hier, ses nouvelles C’est égal et son récit autobiographique L’Analphabète, nous pouvons lire aujourd’hui les poèmes d’Agota Kristof (1935-2011). Peu avant sa mort, elle les avait sortis de ses archives pour qu’ils soient édités. Clous rassemblent les poèmes hongrois de jeunesse dont elle a intensément regretté la disparition au moment de quitter la Hongrie en 1956. Elle les a reconstitués de mémoire, en a ajouté de nouveaux, a choisi leur titre français mais ne les a pas traduits. Source d’inspiration de plusieurs proses, les poèmes sont restés inédits.Ce livre bilingue constitue leur édition originale en hongrois et leur première traduction en français. Ils sont accompagnés de quelques poèmes écrits directement en français. On y retrouve le style tranchant d’Agota Kristof, ses thèmes, la perte, l’éloignement et la mort, mais aussi, largement déployés, la nature et l’amour.
A. Kristof. écrivaine neuchâteloise.
La trilogie d'Agota Kristof, dans une langue minimaliste mais par une structure narrative très complexe, met en scène la division mentale opérée par la fracture historique, à travers la guerre et le totalitarisme et toutes les formes d'exil qu'ils ont provoquées. Les conséquences de cette fracture sont multiples et atteignent profondément l'identité du narrateur ainsi que son rapport au monde et au langage. L'emboîtement d'une fiction dans une autre, et encore dans une troisième, crée une géologie dont chaque strate donne forme à l'un des aspects de la division. L'écriture fictionnelle permet de réunir et de structurer, dans leurs dimensions multiples, les éléments d'un univers très noir et éclaté, où se nouent les fils d'un paradoxe : celui que forge l'idéologie totalitaire en niant l'individu et sa parole. Par l'organisation narrative mise en œuvre, le lecteur éprouve ce paradoxe et il est amené à se construire activement une place.
L'Analphabète est l'unique texte autobiographique d'Agota Kristof. L'auteur y retrace son étrange parcours : l'amour des mots, la rupture du « fil d'argent de l'enfance », elle parle de l'adolescente qui écrit des poèmes et finalement décrit l'exil qui n'est pas seulement exil hors d'un pays mais surtout hors d'une langue. C'est avec horreur que la narratrice se constate « analphabète » devant la nouvelle langue qu'est pour elle le français. Dans ce texte dense et précis, elle retrace aussi ses premières années de vie en Suisse, le travail d'usine, la passion de l'écriture : « Ce dont je suis sûre, c'est que j'aurais écrit, n'importe où, dans n'importe quelle langue ». Ce sera le français.
Tout écrivain est un lecteur et tout lecteur est un critique. Avons-nous lu est le résultat de plusieurs années d’étude du roman contemporain, principalement français. Il y a trois parties : Le Figaro littéraire, Marianne et Nice-Matin, les journaux où ces textes on paru entre 2001 et 2009. J’ai essayé de ne pas être trop gentil quand j’étais gentil et de ne pas être trop méchant quand j’étais méchant, mais j’ai échoué. La littérature n’est pas un jouet, c’est un jeu. On ne la possède pas, c’est elle qui nous a. Avons-nous lu est le récit d’une décennie dans les livres des autres, un moment de l’histoire des lettres qui n’aura pas de fin. L’art est le monde de l’injustice : un artiste sur mille a du talent. Bien divin qui dira qui.
- On m'appelle Claus T. Est-ce mon nom ? Dès l'enfance, j'ai appris à mentir. Dans ce Centre de rééducation où je me remettais lentement d'une étrange maladie, on me mentait et je mentais déjà. J'ai menti encore quand j'ai franchi la frontière de mon pays natal. Puis j'ai menti dans mes livres. Bien des années plus tard, je franchis la frontière dans l'autre sens. Je veux retrouver mon frère, un frère qui n'existe peut-être pas. Mentirai-je une dernière fois ?- Je m'appelle Klaus T. Mais personne ne me connaît sous ce nom-là. Depuis que mon frère jumeau a disparu, il y a cinquante ans de cela, ma vie n'a plus beaucoup de sens. J'ai longtemps attendu son retour. S'il revenait aujourd'hui, je serais pourtant obligé de lui mentir.Après les horreurs de la guerre ( Le Grand Cahier ) et les années noires d'un régime de plomb ( La Preuve ), le temps serait-il venu d'ouvrir les yeux sur la vérité ? Mais la vérité ne serait alors qu'un mensonge de plus car "un livre, si triste soit-il, ne peut être aussi triste qu'une vie".
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